
Affaiblir la digue
5. Connaître le syndicat, entendre le syndicat, voire le syndicat : Quelques conseils supplémentaires
Par X361737
Il y a quelque temps, « Workers Power » a publié une rubrique (la précédente de ce pamphlet) dans laquelle un travailleur a fait la promotion de l’idée de « connaître le syndicat, entendre le syndicat et voir le syndicat » pour expliquer comment une bonne campagne se maintient et prend de l’ampleur. Ayant participé à quelques campagnes moi-même, il m’est souvent arrivé de relire ce texte car je la voyais comme une source d’inspiration et de bons conseils. J’espère, par cette extension à ce texte, étendre l’approche « connaître le syndicat (…) » en faisant part de mes idées par rapport à la manière de la mettre en pratique.
Il y aura toujours, sur chaque milieu de travail, des personnes qui seront rapidement attirées vers l’initiative de l’organiser. Peut-être ont elles déjà été impliquées dans d’autres tentatives (ou réussites) d’organisation auparavant ? Peut-être ont elles un certain degré d’attirance idéologique ? Peut-être sont-elles vraiment à bout et veulent réellement que les choses changent ? Dans tous les cas, ces personnes connaissent le syndicat et se regroupent typiquement pour former les comités initiaux visant à organiser leur milieu de travail. D’autres travailleurs ou travailleuses auront cependant besoin d’être convaincu(e)s après une série de conversations de personne à personne avant de se joindre aux troupes. Ils et elles doivent entendre le syndicat avant de s’agiter par rapport aux problèmes qu’ils et elles vivent sur leurs milieux de travail et de comprendre qu’ils et elles n’ont pas à y faire face seul(e)s.
La plupart des travailleurs et des travailleuses seront cependant dans le troisième camp ; voir le syndicat. Ils auront besoin de voir la puissance de l’action collective à l’œuvre avant de s’y joindre. Comme notre collègue travailleur l’a résumé dans sa rubrique :
« La méthode pour arriver à convaincre ceux et celles qui doivent voir le syndicat en action pour y prendre part est la suivante : Les personnes qui connaissent le syndicat créent et organisent les relations et du leadership parmi ceux et celles qui entendent le syndicat. Ensemble, les deux groupes passent à l’action et arrivent à livrer puis gagner quelques petites batailles. Cela démontre par la pratique ce qu’est et ce que peut faire un syndicat. Les autres travailleurs et travailleuses le voient à l’action et commencent à comprendre que le changement est réellement possible. »
Pour notre ami, « connaître le syndicat (…) » prouva son utilité lorsque la vitesse à laquelle l’organisation se bâtissait diminua et que la frustration des personnes les plus actives et optimistes se mit à croître. « Connaître le syndicat (…) » encouragea les travailleurs et les travailleuses à retourner aux bases d’une campagne de mobilisation efficace : Des conversations en seul(e) à seul(e) et des réunions de groupes pour planifier et entreprendre des actions susceptibles d’être gagnées. Ce principe permit aussi de comprendre le rôle que les leaders devaient jouer afin d’instituer un processus continu par lequel leurs collègues de travail gravissent un à un les échelons de « voir, entendre et connaître le syndicat » jusqu’à ce qu’une culture de solidarité et d’action collective soit instituée sur le lieu de travail.
Une autre leçon importante doit être comprise de tout ceci : Plusieurs personnes qui s’identifient personnellement comme « radicales » n’ont vécu que très peu d’expériences concrètes de mobilisation dans leur vie. Ce n’est pas un problème.
Comme toute autre chose, organiser un milieu de travail ou une campagne prend de la pratique. En revanche, ce que nous avons généralement est une tonne de grands arguments en faveur de la lutte des classes et la vision de ce que serait un futur post-capitaliste. Cela nous porte souvent à faire l’erreur « d’intellectualiser » le processus d’organisation. Par expérience personnelle, je connais très bien le sentiment d’insécurité que génère le fait de tenter quelque chose de nouveau, spécialement lorsque l’on parle d’organisation de lieux de travail. Il devient alors tentant de revenir à quelque chose avec quoi nous sommes plus confortables, soit expliquer avec de grands arguments pourquoi nous avons besoin d’un syndicat révolutionnaire.
La réalité, cependant, est bien plus complexe qu’un argumentaire bien construit et bien articulé. Plutôt que d’essayer de « gagner le débat sur le syndicalisme révolutionnaire » pour espérer mobiliser les gens, il vaut mieux créer des liens solides de solidarité avec nos collègues de travail. À travers ces relations, nous engageons nos collègues de travail dans des petites actions faciles à remporter. Ces actions victorieuses, en retour, établissent les bases nécessaires à la compréhension de problèmes plus larges et à des conversations plus profondes sur la lutte des classes.
Pour le dire autrement, les travailleurs et les travailleuses – qu’ils ou elles en soient conscient(e)s ou non – entreprennent constamment de petites actions anticapitalistes individuelles. Entre collègues de travail, cependant, ils et elles ont souvent besoin de voir l’activité collective en action pour vouloir se joindre à un syndicat. Lorsque cela est fait, c’est cette implication de leur part dans des luttes collectives qui nous ouvre enfin la porte à nous, les radicaux et les radicales, pour discuter avec elles et eux des classes, du capitalisme et du mouvement ouvrier.
En tant qu’organisateurs et organisatrices, « connaître le syndicat (…) » ne fait pas que nous aider à garder en mémoire que s’organiser est un processus, mais aussi à reconnaître qu’à de nombreuses occasions, l’action précède la conscience. La chose la plus importante que les organisateurs et les organisatrices font n’est pas de gagner des débats ou de prononcer des discours de motivation, mais tout simplement créer les relations qui forment les bases de n’importe quelle campagne remportée.
Cet article fait partie d’une série : Affaiblir la digue.
Ils ont été traduit par les SITT-IWW du Canada francophone les originaux en anglais sont disponibles ici