L’auteur, qui a préféré demeurer anonyme, a travaillé comme organisateur de terrain pour le plus grand syndicat de la fonction publique aux États-Unis, avant de devenir enseignant dans une grande région urbaine. Il fait aujourd’hui de l’organisation avec collègues et étudiant.es autour d’enjeux relatifs à l’accessibilité de l’éducation et l’obtention de permis de conduire pour migrants sans-papiers.
Je me suis mis à réfléchir à une série de conseils que je me donnerais, si je pouvais parler au jeune organisateur que j’étais il y a dix ans. J’ai tellement appris au courant de cette dernière décennie et j’ai aussi commis beaucoup d’erreurs. Alors voici ce que j’aurais aimé entendre il y a dix ans, basé sur mon expérience personnelle, ainsi que mes propres erreurs. Évidemment, ces conseils me concernent toujours aujourd’hui; je ne suis quand même pas devenu un organisateur parfait.
- Il est important de s’organiser autour d’objectifs clairs, réalistes et qui représentent des points progressifs qui nous permettent de mesurer l’avancement et le succès de notre campagne. La sensibilisation et les réjouissances à elles seules ne nous permettent pas de mesurer ces choses là. Il faut s’organiser autour de choses tangibles qui ont un impact direct sur la qualité de vie et de travail des gens.
- Participer aux manifestations n’est pas l’épicentre de l’organisation syndicale. Parfois, ce peut être de bons moments, mais il ne faut pas se laisser croire que ça compte comme ‘’faire quelque chose’’ de constructif et mettre son énergie à sauter de manif en manif.
- Écouter les opinions et l’apport des gens autour de soi. Écouter leurs idées en premier. Vérifier où ils et elles en sont, quels sont leurs problèmes et enjeux au lieu de deviner et d’anticiper ces derniers.
- Éviter de s’organiser seulement avec des personnes issues des mêmes sous-cultures et scènes culturelles en marge desquelles nous sommes issu.es. Le résultat d’une telle organisation va créer un effet d’exclusion auprès de personnes qui ne viennent pas des mêmes milieux.
- Ne pas se laisser emporter dans les théories super idéologiques et dogmatiques. La majorité des personnes se foutent des chicanes idéologiques qui ont eu lieu en 1936 ou de tes divergences politiques avec un tel ou une telle. Bien que ce soit intéressant comme passe-temps et que la théorie et l’histoire peuvent nourrir des idées, la gauche est parfois trop obsédée avec l’idéologie comme identité. Démontres plutôt ta méthodologie au travers de tes méthodes d’organisation.
- Respecter le processus collectif en travaillant au travers de désaccords et en planifiant collectivement.
- Cogner aux portes, décrocher le téléphone et faire des appels; contacter les gens sans toujours passer par les réseaux sociaux.
- Être constant.e, comme un riff de drum. Être à l’heure et tenir parole sur ses engagements.
- Ne pas fermer la porte à certaines personnes suite à un accrochage ou un différend idéologique. Ne pas laisser de camarades derrière ou oublier certaines personnes. Les gens ne sont pas une ressource inépuisable.
- Inclure et aller vers des personnes qui ne sont pas déjà en position d’autorité. Trop souvent, les organisateurs.trices vont instinctivement vers des personnes qui ont déjà beaucoup de capital social et donc plus d’autorité.
- Le pouvoir est dans la shoppe, pas dans le bureau. Voir les rangs tels qu’ils sont sur le plancher des vaches.
- Pas besoin de demander la permission.
- Rester proches des travailleurs.ses.
- Participer à construire les compétences d’organisation des étudiants.es. Considérer les étudiants.es comme des adultes et même des camarades de luttes, tout en sachant que tu es leur professeur. L’essentiel est de bâtir de vraies relations, fais-les rire.
- Ne pas avoir peur d’être en désaccord, mais ne pas devenir odieux.se pour autant.
- Ne pas se laisser accaparer par toutes les fioritures de l’organisation. Bien que les affiches, les tracts et les info-lettres sont de supers outils, on ne mérite pas de dessert avant d’avoir mangé son assiette!
- Organiser la classe ouvrière, pas la gauche.
Traduit de l’anglais par Elizabeth Stone.
Article original sur Organizing Work