Par J. Pierce
Dans la partie précédente, nous avons parlé d’objectifs, de stratégie et de tactiques.
Nous avons mis à l’avant notre vision, notre objectif ultime, représenté par l’exemple « qu’il y ait de la nourriture gratuite pour tous les êtres humains ».
Ensuite, nous avons mis en place des objectifs intermédiaires (« que les travailleur·euses dominent mondialement l’industrie de l’alimentation »), mais pour nous nourrir dans la semaine actuelle et celle à venir, notre objectif au jour le jour est une augmentation de salaire.
Ensuite, nous avions planifié notre stratégie, permettant à la fois d’obtenir l’augmentation de salaire désirée et d’aller vers notre objectif ultime. Nous avons bâti notre stratégie pour arriver à s’unir autour de besoins immédiats et d’augmenter notre rapport de force afin d’un jour arriver à réaliser l’impossible.
Notre stratégie regroupe les travailleur·euses autour de comités locaux ainsi que de comités plus larges regroupant toute l’industrie. Toutefois, les travailleur·euses se regroupent de bien des façons, nous auront donc à travailler selon ce que chaque situation exige. Pour mettre en œuvre cette stratégie, nous aurons besoin de sélectionner des tactiques.
Les tactiques sont les actions concrètes que nous ferons pour mener une stratégie.
Nos tactiques doivent démontrer notre résolution à transformer l’industrie de l’alimentation. L’effort requis pour obtenir l’augmentation de salaire qui nous désirons repose sur l’action collective de tou·tes les travailleur·euses. Les comités présents sur chaque milieu de travail ainsi que les comités sectoriels choisissent des tactiques qui augmentent la confiance et démontrent aux travailleur·euses du secteur de l’alimentation le pouvoir qu’ils et elles ont sur la production.
Voici un exemple d’action possible : Les travailleur·euses signent une lettre de revendication et la présentent en groupe à leur patron. Tout le monde porte un t-shirt spécial du IWW. S’il refuse, ils et elles ignoreront leurs supérieurs et leurs seront hostiles l’espace d’une journée pour démontrer que personne n’est content. Il pourrait aussi être nécessaire qu’ils et elles distribuent des tracts aux client·es, vendeur·euses, employé·es du secteur des transports, aux employé·es des entreprises avoisinantes et aux investisseur·euses. L’idée serait de démontrer au patron et aux supérieurs notre unité et notre détermination. S’ils refusent et s’obstinent, alors une journée dans laquelle tout le monde est « malade » et reste à la maison, ou une baisse de production, pourrait être l’étape suivante.
Le but est que ce soit les travailleur·euses qui décident elleux-mêmes de leurs tactiques et passent à l’action ensemble. Si leurs gains dépendent trop de l’action d’un troisième parti, par exemple les médias, les avocat·es, les permanent·es syndical·aux, les négociateur·ices, ou « la communauté », l’augmentation de salaire pourra tout de même être obtenue, mais quelles compétences, quelle confiance et quel pouvoir bâtissent et démontrent-ils et elles ? S’ils et elles mènent leur lutte correctement, chaque victoire augmentera la confiance que les travailleur·euses ont envers elleux-mêmes.
Lorsque les travailleur·euses s’habituent à demander des concessions et à les obtenir par elleux-mêmes en utilisant leur propre pouvoir, ils et elles voient leur vraie force se mettre en place. Lorsque que ce sentiment de pouvoir est bien ancré, ils et elles font passer leur demandes de «pain et de beurre» à de réelles demandes politiques qui représentent leurs réelles aspirations. Si les travailleur·euses du secteur de l’alimentation deviennent capables de contrôler leur secteur partout à travers le monde, ils et elles auront rapidement le contrôle sur la nourriture elle-même.
Ceci n’était qu’un exemple. Pouvez-vous maintenant comprendre comment tout fonctionne ensemble ? Cette façon de voir le travail d’organisation que nous faisons peut-être appliquée à presque tout. De la planification d’une grève à l’impression de t-shirts, la méthode « objectifs, puis stratégie, puis tactiques» nous aide à voir de plus près notre activité.
Avez-vous déjà tenté d’utilisé une tactique qui est en conflit avec (ou n’a tout simplement pas) de stratégie ? Souvent, il s’agit d’un problème de « buts non-déterminés ». Par exemple, vous pourriez avoir envie de tenter des actions fracassantes tout de suite alors que le plan d’action sur cinq ans nécessite de s’organiser en silence. Dans ce cas, réagir à une offensive patronale immédiate, ainsi que la liberté soudaine qui vient avec le fait de passer à l’action, devient momentanément un objectif plus important que l’objectif à long terme qui devait normalement être poursuivi. Comme certaines tactiques ne se rapportant à aucun but à long terme peuvent procurer une satisfaction immédiate, il est important de veiller à conserver un équilibre entre la stratégie à long terme et les désirs momentanés irrépressibles.
Lorsque nous utilisons cette méthode d’organisation, nous remettons en question certaines présomptions par rapport à nos tactiques qui devraient nous sembler évidentes.
Devons-nous partir en grève, faire un piquet et publier des journaux ou tracs et ensuite rêver à nos objectifs et à ce que nous croyons que nous pourrions gagner ?
Ou planifier une stratégie puis sélectionner des tactiques qui bâtiront la conscience et l’expérience du pouvoir ouvrier de façon efficace ? Cette méthode nous permet aussi de tester certains principes de base des IWW et de prouver leur utilité en tant que tactiques plutôt que comme simples « vérités sacrées ». Par exemple : « Notre syndicat n’a pas de personnel rémunéré », « nos cotisations sont très basses », « on ne signe pas de conventions collectives », « on ne s’affilie à aucun groupe politique », « nous n’avons rien d’obligatoire ». La raison pour laquelle nous faisons toutes ces choses devraient être que nous comprenons qu’il s’agit de tactiques efficaces, pas que nous les avons lus dans une « bible » quelque part.
Premièrement, les objectifs – pour déterminer ce que nous voulons demain et ce que nous pouvons obtenir aujourd’hui. Ensuite, la stratégie – pour planifier la campagne qui nous permettra d’atteindre nos objectifs et bâtir la confiance et le pouvoir ouvrier. Puis, les tactiques – pour faire des avancées concrètes, démontrer notre résolution et notre détermination et altérer (ou renverser) la balance du pouvoir.
Cet article fait partie d’une série : Affaiblir la digue.
Ils ont été traduit par les SITT-IWW du Canada francophone les originaux en anglais sont disponibles ici